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Les hommes aussi ont droit à une réponse en santé qui leur ressemble
11 juin 2025
Suite à l’annonce de l’abandon du Plan d’action gouvernemental en santé et bien-être des hommes, il est difficile de ne pas ressentir une profonde incompréhension. Et pourtant, les besoins ne disparaissent pas avec les compressions. Ils demeurent urgents et complexes.
Comprendre la détresse des hommes
Avant de travailler en santé mentale, j’étais sur le terrain, aux côtés d’hommes au parcours exceptionnel.
Exceptionnel, oui : parce qu’ils avaient survécu à des abus sexuels dans leur enfance.
Ils vivaient les mêmes symptômes que les femmes : la honte, le silence, le doute de soi.
Et pourtant, pour en avoir été témoin, en 2011, la réponse qu’ils recevaient était différente.
On voyait en eux des potentiels agresseurs.
On ne voyait pas la souffrance. Pas la résilience. Pas ce silence qu’ils avaient parfois gardé pendant plus de 30 ans, jusqu’à enfin trouver le courage de nommer leurs maux.
Je me souviens de cette époque. Je venais d’arriver de France. Une jeune femme à la tête d’un organisme communautaire entièrement composé d’hommes.
Si je disais que c’était une position facile, je mentirais.
Mais je demeurais convaincue que les hommes avaient besoin d’aide.
Je ne nommerai pas ici les lieux où je dérangeais.
Pas censée les défendre.
Pas censée prendre leur parole au sérieux.
Mais je croyais profondément au rétablissement.
Et je croyais que les hommes aussi avaient droit à des interventions pensées pour eux, à une confiance renouvelée, à une voix.
La force du lien entre le milieu communautaire et le réseau
Cette fidélité aux vécus rencontrés, ce refus de détourner le regard, m’a naturellement menée au Regroupement des organismes pour hommes de l’île de Montréal (ROHIM).
J’ai vu de près le travail exceptionnel de Raymond Villeneuve, directeur général du Regroupement pour la Valorisation de la Paternité. Son souhait : offrir une main tendue entre le communautaire et le réseau de la santé.
Ensemble, personnes du communautaire et quelques personnes alliées du réseau, nous avons introduit des approches novatrices, sensibilisé « derrière les murs », patiemment, humainement.

Une approche humaine, inclusive et collective
Aujourd’hui, je travaille en promotion de la santé mentale et en prévention des troubles.
À l’ACSM Filiale de Montréal, nous nous efforçons de défendre une approche humaine, ancrée dans les réalités sociales et identitaires de chaque personne.
Cela signifie reconnaître que les hommes ont eux aussi des besoins particuliers. Des blessures parfois refoulées ou parfois confondues avec de la violence.
Travailler à leur bien-être ne signifie pas renforcer les privilèges masculins ou excuser des comportements violents.
Cela signifie accompagner les hommes dans leur transformation.
Cela signifie ouvrir des espaces pour apprendre la vulnérabilité, renforcer le lien social.
Et cela signifie mettre en place des stratégies concrètes dans les établissements de santé :
former le personnel à adapter leurs approches, créer des points d’entrée non stigmatisants, reconnaître les signes de détresse masculine même quand elle se cache derrière la colère ou l’isolement.
C’est une vision transformatrice de la masculinité : au service du bien-être collectif.
Ce n’est pas le moment de reculer
Et alors que, ironiquement au Canada s’ouvre la Semaine de la santé des hommes (du 11 au 17 juin), je me rends compte que je suis toujours cette personne engagée, solidaire et même indignée!
Parce qu’un plan d’action, ça prend des années à bâtir.
Et en un clin d’œil, il peut disparaître.