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Pourquoi les personnes qui vivent avec un trouble de santé mentale portent des masques ?
5 mai 2025
La semaine de la semaine mentale 2015 a pour thème La santé mentale, sans masque. Du 5 au 11 mai, l’Association canadienne pour la santé mentale invite « la population canadienne à regarder au-delà des apparences afin de voir chaque personne dans son ensemble. En osant l’honnêteté et la vulnérabilité, nous permettons à nos relations de s’approfondir et profitons des bienfaits pour la santé mentale qui en découlent.” Mais pourquoi les personnes vivant avec un trouble de santé mentale portent-elles des masques ?
Dans cet article, nous souhaitons démystifier le concept du masque et s’interroger sur le rôle du masque dans la vie des personnes vivant avec un trouble mental.
Le masque : tout le monde en porte un, même plusieurs
Dans La mise en scène de la vie quotidienne publié en 1959, Erving Gofmann introduit le concept du masque, une métaphore empruntée au théâtre pour expliquer comment les individus interagissent en société. Le « masque » représente le rôle social qu’une personne adopte dans une situation donnée pour répondre aux attentes de son entourage.
Goffman voit chaque personne comme un acteur qui joue un rôle devant un public (les autres). Ce que l’on montre aux autres est un « masque », c’est-à-dire une version de nous-mêmes façonnée pour correspondre au contexte social ou relationnel. Ce masque peut changer d’une situation à l’autre : au travail, en famille, entre proches, … On adapte notre comportement (et donc notre masque) selon le « décor » et les « personnes spectatrices ».
En fait, tout le monde porte un ou plusieurs masques, qui permettent de naviguer différentes situations sociales ou personnelles. Pour les personnes vivant avec de la détresse psychologique ou un trouble de santé mentale, le masque a une fonction supplémentaire : cacher la détresse et la différence.
Camoufler la détresse
Les personnes qui vivent avec des difficultés psychosociales, avec ou sans diagnostic, vont souvent cacher leur souffrance psychique derrière une façade sociale acceptable. Dans ce contexte, le « masque » devient un mécanisme de protection et d’adaptation sociale.
Les personnes vivant avec des troubles mentaux tels que la dépression ou les troubles anxieux peuvent masquer leurs difficultés pour paraître « fonctionnelles », souriantes, productives — surtout dans des contextes professionnels, scolaires ou familiaux. Cela est dû, entre autres, à l’individualisation de la santé mentale et la pression qui repose sur les individus à prendre en charge leur bien-être. Dans un monde qui valorise la productivité et la réalisation de soi, montrer que nous sommes au-dessus de la souffrance et de nos émotions “négatives” est perçu comme une vertu.
Par exemple : une jeune mère en dépression post-partum continue de publier sur Instagram des photos où elle rit avec ses enfants, parce que le rôle de « bonne mère épanouie » est valorisé socialement. Ce masque “masque” (justement, il camoufle) sa détresse, la rendant alors invisible.
Maintenir constamment un masque peut être aussi très épuisant, car cela demande un effort continu pour réprimer ses émotions, jouer un rôle, et anticiper les attentes des autres.

Le masquage diagnostic
Le trouble mental peut aussi lui-même agir à titre de masque, comme c’est le cas dans le contexte médical avec le masquage diagnostic ou ombrage diagnostic.
Le masquage diagnostic, aussi appelé ombrage diagnostic, désigne une forme de discrimination médicale qui survient lorsque des symptômes physiques rapportés par une personne ayant un trouble mental sont à tort attribués à ce trouble, sans investigation approfondie. Un enjeu ou trouble peut être alors mal diagnostiqué ou confondu avec un autre, car ses symptômes se chevauchent ou parce que les manifestations sont interprétées à travers un prisme biaisé.
Ce biais peut entraîner l’absence d’un bon diagnostic ou de traitement adéquat, compromettant ainsi la santé physique, le bien-être et même l’espérance de vie des personnes concernées.
Par exemple : une douleur chronique ou une fatigue extrême peuvent être attribués à l’anxiété ou la dépression, sans recherche approfondie.
Une stratégie de survie
Il faut tout de même faire attention à ne pas généraliser l’expérience des personnes vivant avec un trouble mental car le masque n’est pas toujours négatif. Dans plusieurs situations, le masque est utilisé de façon stratégique et à des fins de survie. Il permet d’éviter la stigmatisation, les jugements ou l’incompréhension de l’entourage incluant le milieu professionnel. Montrer une version « contrôlée » de soi permet d’éviter le rejet ou la pitié, dans une société où la maladie mentale reste encore taboue, voir mal comprise.
Le fait de souhaiter comment les autres nous perçoivent peut aussi augmenter le sentiment de pouvoir d’agir dans un contexte social où les personnes vivant avec un trouble mental se font souvent assigner des représentations et où les ressources sont limitées.
Par exemple : cette même mère en dépression post-partum qui se montre heureuse sur les réseaux sociaux ; ce masque lui permet peut-être d’éviter les commentaires désobligeants ou encore à se rappeler des petits bonheurs quotidiens qui lui procure du bien-être le temps d’un instant – un sentiment au potentiel transformateur.
En résumé, les personnes vivant avec un trouble de santé mentale portent plusieurs masques, certains qui leur sont imposés, d’autres qui leur servent à mieux naviguer dans un monde qui leur est hostile. Bien que le masque puisse nuire à la demande d’aide ou exacerber les symptômes de stress et d’épuisement, il est essentiel de rappeler que les personnes vivant avec un trouble mental conservent un pouvoir d’action sur leur manière de se représenter, et que le dévoilement au grand jour demeure un choix bien personnel.
Pour en savoir plus sur La santé mentale sans masque en téléchargeant les infographies de l’ACSM National.