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Santé mentale et légalisation du cannabis

À compter d’aujourd’hui, l’usage récréatif du cannabis est légal au Canada. Le Canada se joint ainsi à l’Uruguay, premier pays à avoir légalisé le cannabis, ainsi qu’à plusieurs États américains dans l’adoption d’une approche de santé publique visant à contrôler la production et l’usage de cette substance. Par la légalisation du cannabis, le gouvernement du Canada prend une mesure audacieuse en vue de décriminaliser les consommateurs, d’alléger le fardeau des tribunaux, d’atténuer les répercussions du crime organisé et d’améliorer la santé des Canadiens et des Canadiennes en régulant et en augmentant la qualité et la sécurité des produits du cannabis qu’ils consomment.

Après l’alcool, le cannabis est la substance psychoactive la plus répandue au Canada[1]. Les Canadiens et les Canadiennes y ont recours pour diverses raisons : usage médical, plaisir, détente, expérimentation et gestion du stress. En vertu de la nouvelle Loi sur le cannabis, les adultes de 18 ans et plus (ou 19 ans et plus dans la majorité des provinces et des territoires) pourront maintenant posséder jusqu’à 30 grammes de cannabis légal acheté auprès d’un détaillant autorisé par la province, faire pousser jusqu’à quatre plants de cannabis pour usage personnel et fabriquer des produits de cannabis à la maison[2]. En plus de la réglementation fédérale, chaque province et territoire a mis en place des règlements supplémentaires propres à chaque compétence relativement à l’achat et à la consommation de la substance.

Bien que le cannabis soit maintenant une substance légalement réglementée, son usage comporte tout de même des risques. À l’instar de l’alcool ou du tabac, la consommation de cannabis engendre des conséquences potentielles pour la santé à court et à long terme. Elle peut provoquer des symptômes psychotiques aigus et des troubles cognitifs semblables à la schizophrénie[3], et augmenter le risque d’accidents et de blessures. Elle serait également liée à des troubles reproductifs et respiratoires[4]. Tout particulièrement pour les jeunes, les risques de conséquences négatives pour la santé peuvent être plus élevés en raison du potentiel nocif de la consommation de cannabis sur le développement du cerveau[5]. De plus, les personnes qui deviennent de grandes consommatrices peuvent développer une dépendance, des problèmes de santé mentale et un trouble de l’usage du cannabis (TUC)[6].

Il est important de noter que la légalisation du cannabis récréatif ne modifie pas le régime actuel d’accès au cannabis à des fins médicales. Au Canada, le cannabis est approuvé à des fins médicales depuis 2001, ce qui signifie qu’un médecin peut en prescrire s’il croit que la substance est susceptible d’avoir un effet positif sur une affection[7]. Le cannabis s’est révélé un médicament bénéfique pour traiter les symptômes de certains patients souffrant de maladies chroniques comme l’épilepsie, le cancer et la douleur chronique[8]. Toutefois, les préjugés associés à la consommation de cannabis et les préoccupations concernant son innocuité et son efficacité empêchent toujours de nombreux médecins de prescrire cette substance aux patients qui pourraient en bénéficier[9].

À l’heure actuelle, il manque de recherches concluantes sur les dangers et les éventuels bienfaits du cannabis, autant en matière de santé physique que de santé psychologique[10]. Compte tenu des incertitudes entourant les effets du cannabis sur la santé, l’ACSM espère que les investissements en recherche augmenteront afin d’établir plus de preuves concluantes sur les dangers et les bienfaits de la consommation de cannabis tout au long de la vie et sur les répercussions de celle-ci sur la santé mentale des Canadiens et des Canadiennes issus de divers milieux.

Conformément aux recommandations de Santé Canada, les Canadiens et les Canadiennes devraient s’adresser à un professionnel de la santé ou de la santé publique s’ils souhaitent en savoir plus sur l’usage de cannabis et son incidence sur leur santé[11]. Nous suggérons aux personnes qui choisissent de consommer du cannabis à des fins récréatives de consulter le document Recommandations canadiennes pour l’usage du cannabis à moindre risque (RUCMR), qui offre des recommandations pour réduire les dangers associés à la consommation de cannabis[12].

L’ACSM félicite le gouvernement du Canada de se positionner en tant que leader sur la scène internationale en adoptant une approche de santé publique pour gérer la consommation de cannabis. Le gouvernement a annoncé l’an dernier qu’il investirait 46 millions de dollars dans l’éducation du public sur le cannabis et dans des activités de sensibilisation pour les Canadiens et les Canadiennes, en ayant recours à des efforts de prévention ciblés pour les jeunes. Comme il est possible que la légalisation entraîne une hausse du nombre de Canadiens et de Canadiennes faisant un usage problématique du cannabis, nous recommandons fortement que le gouvernement investisse également dans les traitements. Un tel investissement peut être soutenu par un plan de recettes conçu intelligemment, qui consacre un important pourcentage des recettes du cannabis ou des ventes qui y sont liées à des campagnes de sensibilisation publiques, à des ressources communautaires et à des études en appui aux consommateurs de cannabis souffrant de problèmes de santé mentale ou de toxicomanie. Avec la légalisation, préserver la santé et le bien-être des Canadiens et des Canadiennes est primordial.

 

[1] Gouvernement du Canada, « Enquête de surveillance canadienne de la consommation d’alcool et de drogues : Sommaire des résultats pour 2012 », 8 avril, 2014, https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/preoccupations-liees-sante/prevention-traitement-toxicomanie/statistiques-consommation-drogues-alcool/enquete-surveillance-canadienne-consommation-alcool-drogues-sommaire-resultats-2012.html.

[2] Gouvernement du Canada, « Légalisation et réglementation du cannabis », 12 octobre, 2018, http://www.justice.gc.ca/fra/jp-cj/cannabis/.

[3] Hall, Wayne, « What has research over the past two decades revealed about the adverse health effects of recreational cannabis use? », Addiction 110, no 1 (2015) : 30.

[4] Fischer, Benedikt, Cayley Russell, Pamela Sabioni, Wim van den Brink, Bernard Le Foll, Wayne Hall, Jürgen Rehm et Robin Room, 10 façons de réduire les risques pour votre santé quand vous consommez du cannabis : Recommandations canadiennes pour l’usage du cannabis à moindre risque (RUCMR), 2018, https://camh.ca/-/media/files/pdfs—reports-and-books—research/canadas-lower-risk-guidelines-cannabis-fr.pdf?la=fr&hash=3316ACACCC83FB9375A57BB50908F991945D4F3C.

[5] Crépault, Jean‐François, Cadre stratégique pour le contrôle du cannabis (Toronto : Centre de toxicomanie et de santé mentale, 2014), 5.

[6] Le Foll, Bernard, « Le cannabis peut-il entraîner une dépendance? », dans Les effets de la consommation de cannabis pendant l’adolescence, sous la direction de Tony George et Franco Vaccaroni (Ottawa : Centre canadien de lutte contre les toxicomanies​, 2015), 54-68.

[7] Samoilov, Lucy et Claire P. Browne, « The Role of Medical Cannabis in the Opioid Crisis », University of Western Ontario Medical Journal 87, no 1 (2018) : 38.

[8] Kalant, Harold and Amy J. Porath-Waller, Dissiper la fumée entourant le cannabis: Points saillants – version actualisée (Ottawa, ON: Centre canadien de lutte contre les toxicomanies, 2016), 1-20.

[9] Juurlink, David N., « Medicinal Cannabis: Time to Lighten Up? », CMAJ 186, no 12 (2014) : 897.

[10] Beirness, Douglas J., Harold Kalant, Opal A. McInnis, Darryl Plecas, and Amy J. Porath-Waller, Clearing the Smoke on Cannabis: Highlights – An Update (Ottawa, ON: Centre canadien de luttle contre les toxicomanies, 2016), 5; Couskin, Janna, Adrián E. Núñez, and Francesca M. Filbey, “Time to Acknowledge the Mixed Effects of Cannabis on Health: A Summary and Critical Review of the NASEM 2017 Report on the Health Effects of Cannabis and Cannabinoids,” Addiction 113.5 (2018).

[11] Gouvernement du Canada, La consommation de cannabis augmente-t-elle le risque de développer une psychose ou une schizophrénie? Dossier de preuves sur le cannabis (Ottawa : Ministre de la Santé, 2018).

[12] Fischer, Benedikt, Cayley Russell, Pamela Sabioni, Wim van den Brink, Bernard Le Foll, Wayne Hall, Jürgen Rehm et Robin Room, « Lower-Risk Cannabis Use Guidelines (LRCUG): An evidence-based update », American Journal of Public Health 107, no 8 (2017).

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