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Pour un décloisonnement de la santé

Une contribution à grande échelle

Dernièrement, M. Réjean Thomas s’est vu décerner un doctorat honoris causa par la faculté des sciences humaines de l’UQAM. Cette mention vise à souligner la carrière de M. Thomas et son apport considérable à de nombreuses causes, principalement celle de la lutte contre le VIH/Sida et autres ITSS. Les accomplissements de M. Thomas sont nombreux et variés, comprenant entre autres la fondation de la clinique l’Actuel et de la clinique A, en plus de la mise sur pied de Médecins du monde Canada.[1] En dédiant sa carrière de médecin à la promotion de la santé sexuelle et de méthodes efficaces de dépistage des ITSS, en plus de redéfinir la place du soutien et de l’empathie comme partie prenante du traitement médical, il a contribué non seulement à la santé de ses patients, mais au bien-être global de communautés entières.

Les soins curatifs sont primordiaux, mais il ne faut pas pour autant sous-estimer l’importance et la pertinence des efforts de promotion et de prévention. Alors que le traitement s’adresse aux personnes atteintes, les approches préventives ou faisant la promotion d’une bonne santé rejoignent une cible encore plus large, car elles bénéficient à tous les membres d’une société et à cette dernière dans son ensemble. Comme dans le cas des problèmes de santé mentale, tout le monde peut potentiellement vivre, à un moment ou à un autre de sa vie, certains enjeux concernant la santé sexuelle.

Des luttes partagées

Le Total patient care[2], prôné par M. Thomas, est une approche de soin qui prend en considération la personne dans sa globalité et tient compte de l’ensemble de ses besoins. Cette compréhension des enjeux en matière de santé démontre un désir de décloisonnement des pratiques et des professions, et ce en plaçant le bien-être du patient au cœur des préoccupations. Cet exercice requiert une forme d’humilité et de décentration de la part des praticiens. Cette formule est également porteuse d’une idéologie égalitaire et d’une compréhension de la santé comme d’un tout aux parties interreliées, qui bien souvent ne peuvent être hiérarchisées. La mission de M. Thomas aura été de briser certaines frontières, autant géographiques qu’interdisciplinaires.

Lors de son discours de remerciement, les paroles de M. Thomas ont trouvé un fort écho dans l’assistance. La salle, remplie de diplômés provenant des différents départements composant la grande famille des sciences humaines, rassemblait des centaines d’individus ayant choisi des voies professionnelles différentes, mais qui étaient réunis par un objectif commun : celui d’aider les personnes et de contribuer au bien-être collectif. À travers son discours, M. Thomas a mis en lumière l’empathie, dépeinte comme le fil conducteur d’une carrière et d’une vie. Alors que l’émotion était palpable autant sur scène que dans la salle, on ne pouvait que constater la force d’une communauté qui lutte pour des objectifs communs ainsi que la puissance de la passion et de l’émotion comme moteurs de changement social.

Reconnaissance d’enjeux sociaux en santé

De nombreux liens peuvent être faits entre la lutte de M. Thomas pour la reconnaissance des enjeux liés à la santé sexuelle et les efforts mis en place pour une meilleure compréhension de la santé mentale et de ses composantes. Selon l’OMS : « La santé sexuelle est un état de bien-être physique, mental et social dans le domaine de la sexualité. Elle requiert une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, ainsi que la possibilité d’avoir des expériences sexuelles qui soient sources de plaisir et sans risque, libres de toute coercition, discrimination ou violence. »[3] Dans les deux cas présentés précédemment, la santé n’est pas définie par une absence de maladie, mais est plutôt considérée comme un ensemble de facteurs permettant de jouir de la vie. Le continuum de la santé permet d’en appréhender les influences multifactorielles, ne se limitant pas à deux pôles opposés : la maladie et la santé. Cette nuance ouvre la porte à une amélioration des conditions de vie et de santé pour tous, et non seulement une aspiration s’adressant à une portion privilégiée de la population. Chacun mérite que l’on s’attarde à sa santé, et personne ne devrait être mis de côté dans cette logique.

En adoptant une approche prenant en considération les déterminants sociaux de la santé[4], M. Thomas a mis en lumière les inégalités sociales en ce qui concerne cette dernière, et présenté une nouvelle compréhension des enjeux d’accès aux soins. En choisissant la localisation de sa première clinique dans l’arrondissement Ville-Marie, à Montréal, il a exprimé un désir clair de se rapprocher des populations vulnérabilisées. En offrant des services de manière explicite à des individus marginalisés, M. Thomas a été confronté dans l’exercice de son travail à la puissance des stigmates. Ceux-ci entouraient entre autres à l’époque, et entourent encore aujourd’hui, la séropositivité, l’homosexualité, les dépendances ou les pratiques sexuelles considérées hors-normes. C’est une réalité qui s’applique très bien à la santé mentale, alors que les différents stéréotypes et préjugés associés aux troubles psychiatriques constituent un frein empêchant de nombreuses personnes d’aller chercher de l’aide et du soutien. Ces contraintes ne se limitent pas seulement au volet du traitement, mais peuvent influer grandement sur toutes les sphères de la vie de l’individu (relations sociales et intimes, employabilité, logement, etc.).

Inspirant par son humanité

Le récit de la carrière de Réjean Thomas est une expérience profondément inspirante. Son histoire, racontée par lui-même et narrée par d’autres, a le pouvoir de remettre les priorités à la place qui leur revient de droit. C’est également un récit rassembleur qui se doit d’être partagé. En mettant l’emphase sur la complémentarité des pratiques en santé et l’importance d’une approche humaine, il nous rappelle certaines des raisons pour lesquelles nous avons tous choisi d’œuvrer dans ce domaine. Dans des temps difficiles, où la solidarité sociale peut sembler s’effriter et que notre pouvoir d’améliorer les choses donne l’impression de nous glisser entre les doigts, il s’agit d’un exercice particulièrement important.

[1] https://cliniquea.ca/CliniqueArueMcGill_NotreEquipe.html/Dr_Rejean_Thomas

[2] ?

[3] http://www.who.int/topics/sexual_health/fr/

[4] http://cbpp-pcpe.phac-aspc.gc.ca/fr/public-health-topics/social-determinants-of-health/

Photo : Alexis Aubin, et Actualités UQAM

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