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Savez-vous faire pousser… la résilience?

D’où vient la résilience?

Le concept de résilience, tout comme celui du stress d’ailleurs, a d’abord été utilisé dans le domaine des sciences physiques. Si le stress est la pression qui va être exercée sur un élément, la résilience est plutôt la manière dont ce dernier va réagir afin de ne pas casser sous la force, premièrement, et revenir éventuellement à sa forme initiale. On peut penser à la fable du roseau et du chêne, dans laquelle le tronc de ce dernier se rompt sous la force de l’orage. Le roseau, quant à lui, fait preuve de souplesse et plie sous le vent pour retrouver sa posture d’origine une fois la tempête passée.

La valeur de l’épreuve

Lorsqu’on parle de résilience psychologique, on peut aussi pousser les choses légèrement plus loin : il ne suffit pas d’avoir surmonté l’épreuve en question et de ne pas avoir été détruit par cette dernière, mais d’avoir aussi acquis quelque chose au travers du processus. On peut alors penser à un os qui, après avoir subi une cassure, pourra se ressouder de manière à ce que cette partie soit encore plus solide qu’elle ne l’était avant l’accident. Cela peut aussi être illustré à travers le concept japonais du Kintsugi, une méthode de réparation des objets de porcelaine qui laisse des soudures dorées bien visibles après la réparation, mettant en relief la valeur augmentée de la pièce, de par le fait d’avoir été cassée puis réparée. Les cicatrices ne sont ainsi pas symbole de honte, mais bien de fierté. Ce mécanisme, par lequel on accorde du sens et de la valeur au passage de l’épreuve, est au cœur d’une certaine vision de la résilience.   

Qui est résilient?

Être résilient n’est pas une qualité réservée à certaines personnes aux capacités et ressources hors du commun. Ce sont pourtant souvent ces exemples qui sont utilisés pour illustrer le concept, parce qu’ils sont plus spectaculaires et génèrent l’admiration. Ils laissent par contre croire, à tort, que la résilience est peut-être un objectif inatteignable pour soi ou encore qu’il est inné, c’est-à-dire qu’on nait simplement résilient ou non. Dans la nature, même les éléments qui semblent à première vue les plus vulnérables peuvent faire preuve de résilience, selon le type de choc ou de la menace à laquelle ils sont confrontés. Rappelons-nous le roseau et sa flexibilité, lui permettant de s’adapter aux changements.

C’est la même chose pour les humains; tout le monde est en mesure de faire preuve de résilience. Celle-ci varie tout simplement, selon l’individu et les circonstances. On sait qu’un cactus peut très bien vivre sans eau pendant une longue période, mais qu’en est-il s’il se retrouve privé de lumière? Chaque épreuve ne nous affecte pas de la même manière.

Lorsqu’on analyse notre capacité de résilience, il faut donc avoir un portrait global; dans l’ensemble des épreuves auxquelles j’ai fait face, lesquelles ai-je selon moi le mieux surmontées et en ai-je tiré certains apprentissages? 

Il faut également bien comprendre que de surmonter une épreuve ne signifie pas être indifférent ou n’être pas affecté par cette dernière. Il s’agit d’un processus, et non d’une dualité « combattre » ou « échouer ». N’oublions pas que ce n’est pas le choc initial ni la chute qui comptent tant que la manière de se relever. La panoplie d’émotions (colère, incompréhension, déni, etc.) et les manifestations associées (pleurs, sautes d’humeur, repli sur soi) qui peuvent être expérimentées suite à un événement difficile ne sont pas un signe de faiblesse et ne signifient pas que nous ne sommes pas résilients. Elles font simplement parfois partie du cheminement qui, espérons-le, mènera ensuite à se centrer sur ses forces et ressources pour retrouver le bien-être. 

Cela compte également pour les divers outils mis à profit. Aussi spectaculaire soit l’image de l’individu solitaire, qui combat et relève les épreuves seul, aller chercher de l’aide, bien s’entourer et interpeller son réseau sont une excellente preuve de résilience. Tous ces éléments font partie de ce qu’on appelle les facteurs de protection; certains sont individuels (ex : notre sens de l’humour, nos capacités d’introspection) et d’autres sont extérieurs, appartenant par exemple à notre environnement (ex : notre réseau social, un milieu de travail sain). 

Nourrir la résilience

Mais alors si tout le monde a un potentiel de résilience, comment stimuler ce dernier? Plusieurs éléments entrent ici en ligne de compte. Plus que l’événement lui-même auquel devra faire face la personne ou la communauté (parce que la résilience n’est pas qu’individuelle), c’est la perception de ce dernier qui aura un grand impact. En effet, notre perception contribue à déterminer si un événement s’avèrera traumatique ou non, et donc s’il pourra être surmonté sans que cela ne cause trop de conséquences négatives. Cette façon de voir les choses se déploie dans le temps, et la vision de l’événement peut changer après-coup pour qu’on lui accorde un sens plus positif que ce que l’on aurait initialement proposé (« finalement, cette épreuve m’a permis de… elle avait donc du bon »).  

Une façon particulière de concevoir la vie joue également un rôle dans la manière de percevoir et surmonter les épreuves. C’est le cas de ce qu’on appelle le lieu de contrôle. Lorsqu’un individu possède un lieu de contrôle davantage interne, il considère que ce qui influence sa vie est relatif à lui-même et ses propres décisions, et que des éléments extérieurs qu’il ne contrôle pas ont peu d’impact sur lui (le hasard, les autres, la chance, etc.). Si l’on considère que nous détenons un certain pouvoir par rapport à notre destin, il est logiquement plus facile de trouver la force et l’espoir de surmonter les épreuves. Dans le cas contraire, on peut avoir tendance à abandonner avant même d’essayer, puisqu’on a le sentiment que c’est déjà peine perdue. 

Attention : cela ne signifie pas qu’il faut ignorer que des forces extérieures peuvent avoir une influence sur soi. Ce genre de glissement peut avoir un effet pervers, soit d’individualiser les problématiques et de nier leurs racines sociales. Cela signifie plutôt qu’en trouvant en soi un certain pouvoir d’agir, peu importe la forme que cela prend (comme la militance par exemple), on se trouve nourri d’une énergie de combat contribuant à surmonter les épreuves.  

La recherche a également démontré que les personnes qui semblaient avoir davantage de facilité à relever des défis ne manifestaient pas nécessairement des qualités spécifiques, mais qu’elles utilisaient les compétences qu’elles possédaient habilement, et à leur plein potentiel. Il s’agirait donc davantage de bien se connaître, de savoir identifier ses forces et de miser sur ces dernières plutôt que d’exceller dans quelque chose en particulier. Comme mentionné plus haut, les relations saines et un réseau de soutien solide font aussi partie de ces ressources à mettre à profit.

Une autre caractéristique des personnes considérées comme particulièrement résilientes illustrée par les recherches est leur capacité à faire la distinction entre le global et le spécifique, ainsi qu’entre le permanent et le temporaire. En effet, il est plus aisé de surmonter une épreuve si on la circonscrit dans le temps et qu’on comprend qu’elle n’englobe pas toutes les parties de notre être. Si on voit chaque difficulté comme quelque chose qui nous définit et qui durera indéfiniment, il est plus difficile de trouver des espaces pour y échapper et reprendre son souffle. Il faut bien sûr prendre en considération que certains écueils sont plus englobants et perdurent plus longtemps que d’autres. Qu’on ait davantage de difficulté à les surmonter est donc tout à fait normal et ne signifie pas qu’on manque de résilience.

Ces caractéristiques, quoique naturellement plus présentes chez certaines personnes ou enseignées d’emblée dans certaines familles, peuvent être développées par tous les individus. En étant conscients de l’impact de nos perceptions, nous pouvons faire un effort conscient pour analyser les écueils auxquels nous faisons face de manière à ce qu’ils nous laissent un espace pour exercer notre pouvoir d’agir et mettre à profit nos ressources.

Pourquoi les nuances comptent

Une fois qu’on a compris que tout le monde peut, à sa mesure, faire preuve de résilience, il importe aussi de faire attention à la manière dont on présente cette dernière. Aussi positif le concept soit-il, entre autres parce qu’il est porteur de sens et d’espoir, sa compréhension erronée peut avoir des effets pervers, dont celui de glorifier l’épreuve. 

En effet, en valorisant le fait de surmonter des défis, on peut passer à côté d’une occasion importante; celle de critiquer les sources mêmes du problème. Tout comme avec n’importe quelle compétence, on peut renforcir et favoriser notre résilience au fur et à mesure qu’on relève des défis. Cela ne veut pas pour autant dire qu’il faille multiplier ces derniers. Pensez par exemple aux commentaires qu’on fait parfois aux étudiants qui ont de la difficulté à combiner leurs nouvelles conditions de vie comprenant études, travail à temps partiel et autonomie financière. Les phrases comme « Moi aussi, à ton âge, j’en ai mangé du beurre d’arachides et des pâtes blanches! Tu vas survivre! » ont pour effet de minimiser les difficultés qui peuvent être vécues par ce groupe parce que les épreuves forment soi-disant jeunesse. N’aurions-nous pas plutôt avantage à tenter d’améliorer les conditions de vie de tous pour offrir des conditions optimales pour la santé physique et mentale de chacun? L’injonction à la résilience ne doit pas devenir une pression supplémentaire pesant sur les épaules des individus. 

Comme il  a été mentionné plus haut, faire preuve de résilience n’est pas d’être laissé indifférent par les difficultés qui se trouvent sur notre route. Il faut donc que la compassion et la bienveillance soient au cœur des réflexions et que nous nous donnions le droit de trébucher. Être résilient, c’est faire de son mieux, et utiliser les ressources (internes comme externes) pour surmonter une épreuve. Ensuite, on peut viser un retour à la normale, ou on peut aussi viser le changement. Comme c’est le cas avec la COVID-19, qui a mis en lumière plusieurs failles de notre système, l’après-épreuve que l’on souhaite peut aller plus loin qu’un retour à notre vie d’avant, mais peut intégrer les apprentissages que nous avons faits au cours de cette dernière pour viser un mieux-être individuel et collectif. Car le problème n’était peut-être pas l’épreuve en elle-même, mais bien le système qui a permis à celle-ci d’exister.

À vos outils!

En comprenant mieux ce qu’est la résilience (et aussi ce qu’elle n’est pas), nous pouvons plus habilement l’identifier dans notre propre jardin et la cultiver lorsque nous en ressentons l’envie ou le besoin. En agissant sur notre perception, nous évitons de confondre les événements normaux de la vie avec de la mauvaise herbe. Alors que l’on tend vers la résilience, rappelons-nous aussi que celle-ci est un parcours et non une finalité. Tentons donc d’être des jardiniers avisés : patients, collaboratifs et bienveillants, et ce autant pour les défis que présente notre propre potager que celui des autres!

    

 

 

Sources :

https://www.inspq.qc.ca/publications/3016-resilience-cohesion-sociale-sante-mentale-covid19

https://www.newyorker.com/science/maria-konnikova/the-secret-formula-for-resilience

https://www.nytimes.com/2015/12/06/magazine/the-profound-emptiness-of-resilience.html

https://www.lapresse.ca/debats/opinions/202004/07/01-5268447-serons-nous-socialement-resilients-.php

https://plus.lapresse.ca/screens/a3b24ce9-7745-4054-b903-8263215bb315__7C___0.html?utm_medium=Email&utm_campaign=Microsite+Share&utm_content=Screen&fbclid=IwAR3RHnYGl-VGrUeYGMyzZaW-G7E_qNSSUZXrGC94ip5rzp_R6noZq4UMiqU

https://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/penelope/segments/entrevue/162278/boris-cyrulnik-resilience-coronavirus-covid-19

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2956753/#:~:text=Modern%20resilience%20studies%20originated%20among%20psychologists%20and%20psychiatrists.&text=The%20most%20common%20definition%20of,significant%20adversity%20and%20positive%20adaptation.

 

Crédits photos : icon0.com, Markus Spiske, cottonbro provenant de Pexels

 

 

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