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Le bonheur à tout prix? Apprivoiser ses émotions négatives en cette période des fêtes

17:00 – Je me prépare à aller à un souper de famille. Je sens le stress qui commence à monter en moi. J’imagine déjà le flot des questions sur ma carrière, mes amours, mes finances, mais personne ne s’inquiètera de comment je me sens réellement.

18:00 –Dans le métro, je parcours les réseaux sociaux pour passer le temps. Défile alors sous mes yeux des photos de couples heureux, de familles souriantes et de maisons décorées dont l’odeur de biscuits émane de l’image. Tout le monde semble vivre le bonheur absolu !

Pourquoi moi, je n’arrive pas à être heureuse comme eux et à apprécier le temps des fêtes ?

18:40 – Je suis devant la porte. Je prends quelques secondes pour prendre une grande respiration, je force un petit sourire et je sonne…

Les fêtes de fin d’année sont éprouvantes pour beaucoup d’entre nous. Alors qu’il s’agit d’une période de festivité pour plusieurs, elles peuvent représenter un moment d’intense pression sociale pour d’autres. La pression d’acheter des cadeaux, d’être bien habillé et d’être entouré peuvent causer un grand stress. Il s’agit aussi d’une période qui bouleverse la routine. Notre alimentation change soudainement et notre cycle de sommeil est perturbé. Ces seuls facteurs peuvent avoir un impact important sur la santé mentale, que dire alors de la pression d’avoir l’air heureux à tout prix ?

La positivité toxique

La pression sociale d’avoir l’air heureux peut être reliée au phénomène plus large de la positivité toxique. Il s’agit du principe selon lequel on devrait toujours avoir une attitude positive malgré les embûches de la vie[1]. Un exemple assez récurrent de positivité toxique est la croyance populaire selon laquelle le bonheur est un choix et que si l’on choisit de voir le monde d’un angle positif, nos expériences changeront.

Les dernières années ont été particulièrement marquées par une abondance de ce genre de messages prônant l’attitude positive. La société nord-américaine carbure à la notion de productivité et la santé mentale est devenue un autre domaine dans lequel nous devons persévérer et exceller. Cette nouvelle idéologie entourant le travail sur soi, mieux connu sous le terme de self-care, véhicule l’idée que si nous travaillons assez fort sur nous, nous atteindrons le bonheur[2]. En revanche, cela suggère que si nous n’y arrivons pas, c’est le résultat d’un manque de volonté personnelle.

Cette perception du bonheur comme quelque chose qui peut être acquis par notre dur labeur peut avoir un impact considérable sur la santé mentale puisque cela suggère que 1) l’expérience d’émotions négatives est nocive à la santé mentale et que 2) le bonheur relève uniquement de la volonté individuelle, mettant de côté les déterminants sociaux de la santé mentale.

Reconnaître, comprendre et accepter les émotions négatives

Contrairement à ce que laisse croire la positivité toxique, une santé mentale positive nécessite de reconnaître et faire l’expérience de toutes les émotions, qu’elles soient négatives ou positives[3]. Reconnaître, comprendre et accepter les émotions négatives sont des étapes essentielles à une bonne santé mentale. Si plusieurs d’entre nous trouvent difficile la période du temps des fêtes, c’est justement car il existe une pression énorme pour performer le bonheur, ce qui invalide indirectement les émotions “négatives” comme la tristesse ou la déception, que l’on peut aussi ressentir en cette période.

D’ailleurs, avoir des émotions “négatives” n’annule pas la possibilité de vivre, simultanément, des émotions positives. Nous vivons tous une variété d’émotions et ce sont celles-ci qui constituent la beauté de notre paysage émotionnel.

L’injonction du bonheur, un obstacle aux soins

Cela dit, reconnaître que l’on vit des émotions inconfortables, et sentir que l’on peut en parler à notre entourage est une étape nécessaire à la demande d’aide. Il est prouvé que les personnes qui ressentent une invalidation de leurs émotions de la part de leur entourage sont moins portées à aller chercher de l’aide d’un professionnel en cas de crise.

L’injonction du bonheur peut d’ailleurs avoir un impact considérable sur l’amélioration des conditions de vies et l’accessibilité aux soins de santé. L’accès au logement, les conditions de travail, et la sécurité alimentaire, par exemple, sont d’importants facteurs de risque et de protection de la santé mentale qui relèvent du pouvoir des gouvernements bien plus que des individus[4]. Ignorer la dimension sociale de la santé mentale peut avoir d’importantes conséquences sur la santé mentale de la population puisqu’il s’agit d’excuser les gouvernements de ne pas offrir de meilleures conditions de vies à ses citoyens.

Le bonheur à tout prix peut coûter notre santé mentale lorsqu’il est présenté comme l’unique chemin vers le bien être. Il peut être perçu comme une invalidation des émotions négatives et constituer un obstacle important à la demande d’aide ou même l’accès aux soins.

En cette période du temps des fêtes, nous vous invitons à être bienveillants envers vous-mêmes, à être à l’écoute de vos émotions et à prendre soin de ceux qui vous entourent à la hauteur de vos capacités.

Un article par Fanny Gravel-Patry, conseillère en promotion de la santé mentale


 

[1] Labranche, Andrée-Ann (2021). « ‘Positivité toxique’ : voici pourquoi il est important de vivre ses émotions négatives », La Conversation, 5 août 2021, https://theconversation.com/positivite-toxique-voici-pourquoi-il-est-important-de-vivre-ses-emotions-negatives-165225

[2] Gill, R., & Orgad, S. (2021). Get unstuck! Pandemic Positivity Imperatives and Self-care for Women. Cultural Politics.

[3] Gouvernement du Canada. (2018). Promotion de la santé mentale positive. Récupéré de https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/promotion-sante-mentale-positive.html#a3

[4] Gouvernement du Canada (2019). Facteurs de protection et de risque en santé mentale. Récupéré de : https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/facteurs-protection-et-risque-sante-mentale.html

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