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La promotion de la santé mentale au prisme de l’intersectionnalité : comprendre pour mieux agir

Maryse est une femme noire d’origine haïtienne qui vit à Montréal. Elle est infirmière et, il y a quelques semaines, un patient a refusé ses soins à cause de la couleur de sa peau. Ce n’est pas la première fois que Maryse vit ce type de discrimination. Malheureusement, cela fait partie de son quotidien. Or, depuis cet incident, elle se sent triste et redoute tous les jours d’aller au travail. Elle a peu d’appétit, pleure souvent et a du mal à mener ses tâches du quotidien à bien. Confrontée à cette détresse psychologique pour la première fois, Maryse ne sait pas quoi faire pour aller mieux.

Elle se sent seule et ne sait pas vers qui se tourner. De toute façon, elle a l’impression que personne ne la comprendra. La santé mentale est taboue dans son entourage et elle craint de sembler faible ou trop exigeante auprès de ses collègues. 

 

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Ce que vit Maryse n’est pas un cas isolé. De nombreuses recherches démontrent que le racisme a des effets néfastes sur la santé mentale[1]. En promotion de la santé mentale, les inégalités sociales telles que le racisme sont considérées comme des facteurs de risque importants. La discrimination, l’exclusion sociale et la violence augmentent les risques de développer un traumatisme, voire un trouble de santé mentale.

Toutefois, concevoir le racisme comme l’unique facteur qui influence la santé mentale de Maryse est réducteur. Les inégalités sociales n’opèrent pas en silo et, pour y répondre, il faut des approches qui permettent de tenir compte des multiples positions qu’occupent les individus et les groupes au sein d’une société donnée.

L’approche intersectionnelle permet de raffiner les stratégies de promotion en santé mentale, car elle tient compte de l’enchâssement des inégalités sociales et des facteurs de risque leur étant associés.

 

Qu’est-ce que l’intersectionnalité ?

L’intersectionnalité est une méthode d’analyse qui jette un éclairage sur les positions et expériences sociales des minorités et sur les diverses formes d’exclusion que leur chevauchement produit. En 1989, la féministe afro-américaine Kimberlé Crenshaw a introduit le concept afin de lutter contre la marginalisation des femmes noires aux États-Unis et de mieux adresser les spécificités de leur exclusion. Elle démontre que la réalité des personnes qui se trouvent au croisement de plusieurs inégalités sociales est souvent négligée dans l’analyse des discriminations.

Pour mieux saisir cette idée, revenons à l’exemple de Maryse. En tant que femme noire, Maryse vit des discriminations de genre et de race. Par rapport à ses homologues masculins et aux femmes blanches, elle est plus à risque de vivre des défis de santé mentale et de voir ceux-ci s’aggraver. Les discriminations vécues par Maryse, couplées à une absence de soutien de son entourage, menacent non seulement sa santé mentale, mais aussi sa capacité à trouver de l’aide et à s’engager dans une démarche pour aller mieux. 

Une approche intersectionnelle en promotion de la santé mentale envisage donc les multiples formes d’exclusion afin de mettre en lumière l’hétérogénéité de la santé mentale et de développer des outils plus adaptés. 

 

Déstigmatiser et pluraliser les stratégies

La stigmatisation de la santé mentale est un des plus gros obstacles à la demande d’aide. La majorité de la population perçoit encore la santé mentale comme négative. Lorsqu’on vit plusieurs discriminations, comme c’est le cas pour Maryse, parler des défis de santé mentale auxquels on fait face peut être encore plus difficile. Dans certains milieux culturels, on ne parle pas du tout de santé mentale. Pour beaucoup de personnes de couleur, les enjeux de santé mentale sont associés à la colonisation et à une tentative de contrôle[2]. La promotion de la santé mentale doit donc s’adapter à ces différentes réalités. Promouvoir la santé mentale auprès des communautés noires de Montréal, par exemple, nécessite une sensibilité à l’histoire coloniale et à la discrimination vécue par les personnes noires[3].  

En matière de stigmatisation, les représentations médiatiques sont aussi à considérer. Des études démontrent que les femmes et les personnes de couleur sont surreprésentées dans les récits négatifs de la santé mentale[4]. Historiquement, la littérature et le cinéma ont contribué à dépeindre les femmes et les personnes racisées comme étant moralement et psychologiquement inférieures. Alors que Maryse est porteuse de ces deux identités, il est normal qu’elle ait plus de mal à aller chercher de l’aide. Elle craint de ne pas être écoutée, ou encore, que ses proches la voient comme étant « inférieure ». Elle n’ose pas aborder ce qu’elle vit au travail, effrayée que ses pairs la perçoivent comme une collègue « trop émotionnelle » et « dérangeante ».

L’intersectionnalité est bien plus qu’un concept, une approche ou une méthode : elle est un outil pour agir sur les inégalités sociales et de santé. Elle remet en question le principe universaliste en promotion de la santé mentale et nous rappelle qu’il est essentiel d’adapter nos actions aux réalités plurielles des individus et des groupes sociaux.

 


 

[1] En lien aux répercussions du racisme sur la santé mentale des enfants et des adolescent.e.s, voir : https://kmb.camh.ca/fr/eenet/documentation/points-de-vue-sur-la-recherche-les-repercussions-du-racisme-sur-la-sante-mentale-des-enfants-et-des-adolescent-e-s.

Rapport de la Commission de la santé mentale du Canada sur la santé mentale dans les communautés noires : https://www.mentalhealthcommission.ca/wp-content/uploads/drupal/2021-02/covid_19_tip_sheet%20_health_in_black_communities_fr.pdf

[2] Voir l’ouvrage Black Madness: Mad Blackness de Therí Alyce Pickens (2019) : https://www.dukeupress.edu/black-madness-mad-blackness

[3] https://www.rcinet.ca/fr/2021/02/16/au-canada-on-vise-lequite-en-sante-mentale-pour-les-communautes-noires/

[4] Voir l’ouvrage Madness, Power and the Media: Class, Gender and Race in Popular Representations of Mental Distress de Stephen Harper (2009).

 

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