Menu
Fermer
Échos d’un au-revoir
12 décembre 2017
Le mardi 5 décembre dernier a été présenté sur les différentes plateformes de Radio-Canada le documentaire « Bye ». L’histoire de Thomas Taillefer est tristement connue : celui-ci est décédé par suicide il y a maintenant deux ans. À travers le grand vide laissé par le décès de son fils, Alexandre Taillefer a trouvé la force de militer pour la prévention du suicide, mais également pour une meilleure compréhension des enjeux reliés à la santé mentale et à la cyberdépendance chez les jeunes, ainsi que pour une amélioration des pratiques y étant associées. L’ampleur de la détermination de M. Taillefer n’a d’égal, on peut le deviner, que celle du gouffre laissé par le décès d’un être cher dans des circonstances aussi tragiques.
Des choix qui portent à réflexion
Outre le message véhiculé, la diversité des canaux de diffusion n’est pas anodine. Son accessibilité multiplateforme peut être mise en parallèle avec les transformations que connaît le monde des communications, notamment par l’ampleur que prennent dorénavant chez les jeunes les interactions virtuelles (texto, clavardage, applications et réseaux sociaux). En ce qui concerne l’intervention et la prévention du suicide, ces dernières technologies constituent un enjeu d’importance qui est exploré comme une piste de solution à travers le documentaire.[1] Les données au sujet de la santé mentale et de la difficulté à demander de l’aide sont d’ailleurs parlantes : « Près de 20 % de la population du Québec, soit 1 personne sur 5, souffrira d’une maladie mentale au cours de sa vie. Pourtant, moins de la moitié de ces personnes consultent un professionnel. »[2]. En invitant différents intervenants à participer à une discussion post-visionnement, on souligne également l’importance d’une réflexion collective, de la concertation et d’un dialogue à grande échelle entre tous les acteurs impliqués. Dans les heures qui ont suivi la diffusion, les réactions ont été nombreuses sur les réseaux sociaux alors que diverses personnalités publiques ont appuyé la démarche sous le mot-clic #Byedoc, certains appelant à une diffusion à grande échelle dans les écoles du Québec.
Utiliser un réseau public de télédiffusion comme vecteur de communication va de pair avec le fait de propager un message qui est tout sauf individuel. La santé mentale, comme la prévention du suicide, sont des priorités on-ne-peut-plus sociales. Encore aujourd’hui, le suicide se classe comme deuxième cause de décès chez les jeunes[3]. Selon l’INSPQ, « de 2010 à 2012, le suicide représentait 30,6% des décès des hommes de 15 à 24 ans et 18,7% des décès des femmes de 15 à 24 ans »[4]. Les causes de la souffrance vécue par ces personnes sont souvent bien plus grandes qu’un problème individuel, et leur impact propage une onde de choc dans des communautés entières. Il va donc de soi que la réponse à cette problématique se doit d’être tout aussi globale. Cela prend forme dans un continuum de services non seulement curatifs, mais dans lequel la promotion et la prévention occupent une place importante.
La promotion – prévention en santé mentale
Lorsqu’il est question d’intervention macrosociale, l’approche de promotion-prévention est incontournable, puisqu’elle s’adresse à tous les individus. De par sa nature, elle met à contribution une société dans son ensemble et bénéficie à tous. Tout le monde est susceptible de vivre des problèmes de santé mentale au cours de sa vie, et des actions concrètes peuvent être menées afin de tenter de les prévenir. De plus, la santé mentale ne se réduit pas à ses composantes problématiques, comme la santé physique n’est pas simplement l’absence de maladie. Encore une fois, la sensibilisation à ce sujet permet de renforcer ou améliorer les composantes positives de la santé mentale des individus. Il s’agit d’un investissement à tous les points de vue dont notre société ne peut faire l’économie. Malgré le fait qu’elle bénéficie à tous les groupes et communautés, soulignons tout de même que cette approche appliquée auprès de jeunes voit ses impacts décuplés. Lorsque des enfants, adolescents ou jeunes adultes font l’acquisition de compétences en matière de santé mentale, ce sont aussi les adultes et aînés qu’ils deviendront qui enrichissent leur capital santé.
Une approche qui a fait ses preuves
La littérature est d’ailleurs riche à ce sujet. « […] Le rapport Evergreen, document-cadre en matière de santé mentale des enfants et des adolescents au Canada, met surtout l’accent sur la promotion et la prévention en amont, en vue de renforcer les compétences, réduire la stigmatisation, favoriser la résilience et améliorer la compréhension. »[5]
L’ACSM-Division du Québec et filiale de Montréal outille notamment les intervenants, enseignants et personnes de confiance afin de faciliter la discussion avec les jeunes. Concrètement, la promotion-prévention auprès de ces derniers se fait en parlant ouvertement avec eux, en abordant les différentes questions et dimensions liées à la santé mentale afin qu’ils puissent faire des liens entre leurs choix quotidiens et leur état de bien-être général. En enseignant aux adolescents à reconnaître les composantes d’une bonne santé mentale, on peut les soutenir dans le développement de saines habitudes de vie et leur permettre d’être mieux outillés pour faire face aux défis qui se présenteront tout au long de leur vie. Il est aisé de voir les potentiels impacts positifs d’une implantation systématique de ce genre d’approche en milieu scolaire par exemple, non seulement en ce qui concerne la prévention du suicide, mais également afin de favoriser une bonne santé mentale.
Accessibilité et diversité des services
Dans une récente chronique, Alexandre Taillefer a fait état des besoins criants en ce qui concerne la santé mentale au Québec : « Nous sous-investissons de façon très inquiétante dans la santé de notre population. Les organismes communautaires jouent un rôle central parce que l’État s’y est désintéressé. […] Il est pourtant démontré que l’accès facile et gratuit à un système de santé mentale de qualité constitue l’un des meilleurs investissements qu’une société puisse faire. »[6]. M. Taillefer évoque également avec justesse les collectes de fonds par lesquelles les organisations doivent subsister et les difficultés d’accès aux services qui sont déjà en place. L’ACSM-Division du Québec et filiale de Montréal ne peut qu’agréer à ces propos, tant en ce qui concerne l’importance des services rendus à la population par les organismes communautaires que le sous-financement de ces derniers, comme de l’ensemble des ressources en santé mentale.
Regarder vers l’avenir
Tout cela n’est pas sans faire écho aux annonces ayant été faites dans les dernières semaines par rapport au financement des services publics en santé mentale. Lorsqu’il est question de cette dernière, le parallèle avec la santé physique permet souvent de mettre en lumière la division que l’on crée entre ces deux composantes et la manière différenciée dont on les traite. Lorsqu’une personne présente un diagnostic de cancer, doit-on attendre qu’elle atteigne le stade 4 avant de lui offrir un traitement? Malheureusement, cette logique attentiste est encore souvent appliquée en santé mentale.
Il n’y a pas de doute, le tabou qui entourait autrefois le suicide fait progressivement place au genre de discussion que propose un documentaire comme « Bye ». Il s’agit d’un exercice vital pour une société en santé. L’ACSM-Division du Québec et filiale de Montréal joint sa voix à celle de M. Taillefer dans son effort de sensibilisation par rapport à l’importance de l’intervention en amont et de la promotion-prévention en santé mentale. La porte est maintenant ouverte et différents intervenants de milieux variés sont interpellés. Il en revient présentement à nous tous de faire bon usage de la visibilité accordée à ces enjeux et de prévenir des tragédies comme celle vécue par M. Taillefer et ses proches. Dans ce contexte, il est donc essentiel de soutenir cette prise de conscience collective, pour faire en sorte que de tels drames n’affectent plus autant de familles québécoises à l’avenir.
Si vous avez besoin d’aide:
Ligne d’intervention en prévention du suicide:
1 866-APPELLE (277-3553)
Jeunesse, J’écoute
www.jeunessejecoute.ca
1-800-668-6868
Tel-Jeunes
www.teljeunes.com
1-800-263-2266
[1] https://www.actualites.uqam.ca/2017/succes-texto-chez-tel-jeunes
[2] http://sante.gouv.qc.ca/problemes-de-sante/sante-mentale/
[3] INSPQ
[4] INSPQ
[5] https://secure.cihi.ca/free_products/CIHI%20CYMH%20Final%20for%20pubs_FR_web.pdf
[6] https://voir.ca/chroniques/de-la-main-gauche/2017/12/05/coucou/