Vous pensez au suicide? Contactez la ligne d’intervention 9-8-8

Vous êtes présentement sur le site Web :

CMHA National

Visitez nos sites Web provinciaux

ENTREVUE | La santé mentale pour toutes : Instagram comme vecteur de mobilisation en santé mentale

Marie-Ève Vautrin-Nadeau, conseillère aux formations et au développement des compétences, rencontre Fanny Gravel-Patry, conseillère en promotion de la santé mentale pour souligner la  Journée Internationale d’Action pour la Santé des Femmes, qui a lieu chaque année le 28 mai, et ce, depuis 1987


Fanny Gravel-Patry s’est jointe à l’équipe de l’ACSM Filiale de Montréal en octobre 2022. Candidate au doctorat en communication à l’Université Concordia, elle s’intéresse aux pratiques médiatiques des femmes en lien à la santé mentale et a fait d’Instagram le lieu privilégié de ses observations. Aujourd’hui conseillère en promotion de la santé mentale au sein de l’organisme, Fanny partage le fruit de sa recherche et ses réflexions, souhaitant montrer comment les femmes se mobilisent pour leur santé mentale en ligne. 

MÈ. Comment décrirais-tu l’angle féministe en promotion de la santé mentale ?

F. Un point de vue féministe dans la promotion de la santé mentale, cela implique de mettre les savoirs dits féminins ou les savoirs produits par des femmes au premier plan. Pour moi, c’est un angle vraiment important : promouvoir la parole des femmes, ce qui est important pour elles en matière de santé, de santé mentale, plus précisément.

MÈ. Quand on parle de savoirs des femmes, de quoi est-il question?

F. Pendant longtemps, tout ce qui touche la santé des femmes a été exclu, peu étudié, peu considéré, comme la souffrance au féminin, d’ailleurs. C’est le savoir médical, très centré sur le corps de l’homme, qui primait. Cela dit, les femmes ont toujours utilisé les médiums qui étaient accessibles pour faire circuler des idées et revendiquer leur place dans la société. Les suffragettes l’ont fait au début du XXe siècle avec les pamphlets. Dans les années 1970, le mouvement pour la santé des femmes a misé sur une stratégie similaire. Éventuellement, ce sont les zines qui ont permis à des femmes de produire des savoirs alternatifs. De nos jours, avec le Web 2.0 et les réseaux sociaux, il y a quelque chose de similaire. Des femmes se mobilisent pour faire valoir des perspectives qui sont peu reconnues dans le réseau de la santé et des services sociaux. 

MÈ. Qu’est-ce qui t’a amenée à t’attarder plus particulièrement à Instagram ?

F. J’avais ma pratique de création de contenu bien avant d’amorcer ma recherche doctorale. J’avais aussi un intérêt particulier pour la production médiatique. Cela m’a permis de constater que certaines femmes utilisent Instagram pour faire face aux effets de la maladie mentale. Puis, j’ai remarqué que des thérapeutes et des intervenants en santé mentale se tournent à leur tour vers Instagram pour vulgariser du contenu. Instagram est donc devenu une plateforme de choix pour aller chercher de l’information sur la santé mentale. Par rapport à Facebook, dont les groupes de soutien sont plus engageants, Instagram a l’avantage d’être plus anonyme. C’est vraiment intéressant pour quelqu’un qui évolue dans un contexte où il y a encore beaucoup de stigmatisation des défis de santé mentale, de la maladie mentale.

MÈ. Tu as recruté 22 participantes âgées de 20 et 50 ans et tu as mené des entrevues auprès d’elles. Est-ce qu’elles avaient beaucoup de choses en commun ?

F. Oui, j’ai remarqué qu’il y avait vraiment beaucoup de points communs entre mes participantes quant à leur pratique et quant à leur rapport aux enjeux de santé mentale. Ce qui m’a frappée, c’est qu’elles ont toutes développé un esprit critique face au contenu proposé. Elles ne prennent pas ce contenu pour acquis, mais s’appuient sur lui pour réfléchir et faire avancer la cause.

MÈ. Peux-tu en dire plus sur cette façon d’utiliser Instagram au nom de la santé mentale au féminin?

F. Dans les Feminist Media Studies, mon domaine de recherche, le contenu qui circule sur les réseaux sociaux est pris au sérieux, envisagé comme une sorte de fenêtre sur les préoccupations des femmes. Sur Instagram, par exemple, des femmes partagent leur cheminement et des trucs pour aller mieux. Les pratiques médiatiques de production, de consultation, de sauvegarde et de partage de contenu, bien qu’elles soient dites moins professionnelles, ont un sens pour les femmes qui s’y adonnent. Autrement dit, les femmes ne sont pas passives dans leur utilisation d’Instagram. Elles s’inscrivent dans une conversation perpétuelle, avec les tensions que ça implique quant aux messages qui y circulent.  

MÈ. Selon toi, les contenus en lien à la santé mentale sont propices aux communautés de care en ligne, et ce, malgré les tensions, les perspectives différentes. Comment dirais-tu que des communautés de care s’y forment ? 

F. Les femmes sont visiblement interpellées par certains types de contenu en lien à la santé mentale en ligne. Ce qui ressort de ma recherche, c’est que consulter du contenu suffit à créer un sentiment d’identification chez les femmes. Cela permet de se connecter à d’autres femmes qui vivent les mêmes enjeux, les mêmes défis. C’est vraiment l’idée du lien social dont on parle beaucoup en promotion de la santé mentale. Pour mes participantes, le fait de voir qu’elles ne sont pas seules à vivre ces défis, c’est déjà transformateur. Ça génère des émotions positives, un sentiment d’appartenance et de reconnaissance aussi. C’est un acte d’affirmation et de résistance qui brise l’isolement, qui rassemble.

Quelques exemples de publications Instagram de femmes en lien à la santé mentale :

Faible estime de soi versus manque de confiance (8 mars 2023)

Trois besoins psychologiques fondamentaux (1er février 2023)

Routine quotidienne pour réguler le système nerveux (16 septembre 2022) 

Aller au contenu principal