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La masculinité toxique, un obstacle à la santé mentale des hommes ?

Résumé de la conférence

En novembre 2020, l’Association canadienne pour la santé mentale – Filiale de Montréal a eu le privilège accueillir deux invités incroyables dans le cadre du webinaire « La santé mentale des hommes : si différente de celle des femmes ? » Nos invités étaient Pierre L’Heureux, Andragogue et membre de l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec, ainsi que Jean Giroux-Gagnée, neuropsychologue et psychologue clinicien, et membre de l’Ordre des Psychologues du Québec.

Ensemble, nos invités ont pu répondre à plusieurs questions comme… Existe-t-il vraiment une différence de genre quand on parle de santé mentale ? Comment expliquons-nous ses différences ? Il y a-t-il des problématiques en santé mentale spécifiques aux hommes ? Comment est-ce que le genre affecte la demande d’aide ? En ce qui a trait à la santé mentale, nos invités experts de l’an passé ont nommé plusieurs comportements typiques de la clientèle masculine, qui illustrent comment la socialisation de genre peut être à la fois une cause de détresse psychologique et une inhibition à la demande d’aide.

 

Un an plus tard, on parle de masculinité… toxique ?

Depuis l’an dernier, l’autrice et journaliste Montréalaise Elizabeth Plank a fait la tournée des médias avec son livre Pour l’amour des hommes : Dialogue pour une masculinité positive. Ce livre, ainsi que le Balado ManEnough qu’elle coanime avec Justin Baldoni et Jamey Heath tentent de soulever la réflexion sur les stéréotypes de genre et d’offrir des perspectives alternatives à la masculinité toxique1. Mais quel est le lien entre la masculinité toxique et le webinaire de novembre passé ? D’abord, définissons le concept ensemble.

 

Qu’est-ce qu’est la masculinité toxique ?

Tout comme la féminité, la masculinité est un construit qui se dessine de plusieurs façons. La masculinité toxique n’implique pas que les hommes soient toxiques ni que la masculinité en soi est toxique. Le concept renvoi plutôt au machisme, et aux stéréotypes de l’homme « traditionnel », c’est-à-dire de l’homme comme étant dominant dans la société2,3. Cette masculinité serait toxique, car elle offre une image étroite de ce que c’est être un homme et s’insère dans une culture qui survalorise l’autonomie chez les garçons, normalise l’agression et l’intimidation et exige aux hommes de prouver leur masculinité en tout temps. Ce type de socialisation crée aussi des conflits entre les rôles masculins et féminins, nourrit l’homophobie et encourage la compétition entre hommes3. Par conséquent, cette forme de masculinité serait néfaste sur deux plans. D’abord sur le plan identitaire, car elle impose des comportements, des stéréotypes et des mentalités qui peuvent nuire à l’estime de soi, au sentiment de compétence et au sentiment d’appartenance, et ensuite sur le plan relationnel, car elle restreint l’intimité, les liens sociaux et les relations interpersonnelles4.

 

La masculinité toxique et son lien avec la santé mentale

Malheureusement, certains des comportements attendus d’une masculinité dite « traditionnelle » sont également des facteurs qui augmentent le risque de détresse psychologique et de suicide. Parmi ces facteurs de risque, on peut compter : la réticence à demander de l’aide, une mentalité hyper-masculine (ex : « que les garçons ne pleurent pas », qu’on ne peut pas montrer ou exprimer des émotions), l’isolement social ou le fait d’avoir peu de liens de qualité, l’agressivité, la prise de risque, la consommation problématique d’alcool ou de drogues et une ou des tentatives de suicide passées5.

Lors du webinaire, nos invités ont évoqué plusieurs différences entre les populations féminines et masculines, et surtout en ce qui a trait la demande d’aide. La demande d’aide et la relation d’aide demandent de prendre conscience de son état mental, de partager des éléments de sa vie privée, de faire preuve de vulnérabilité et parfois de parler de ses échecs. Comme plusieurs hommes apprennent dès un jeune âge à banaliser leurs symptômes, à nier la souffrance et à être autosuffisants, demander et recevoir de l’aide en santé mentale peut paraitre comme des comportements contraires à ceux attendus d’une masculinité « traditionnelle ».

« Si ta voiture fait des bruits étranges, ou qu’en tournant la roue il y avait un crissement anormal, irais-tu voir un garagiste ? Et puis si tu dormais mal depuis 3 semaines ou bien 3 mois, pourquoi tu n’en parlerais pas à ton docteur ? » — Pierre L’Heureux

 

Est-ce que les hommes demandent moins d’aide parce qu’ils en ont moins besoin ?

Au premier regard, plusieurs peuvent raisonner que les hommes ne demandent pas d’aide psychosociale, car ils n’en ont simplement pas besoin. Malheureusement, ceci n’est pas le cas…

Grâce à un sondage effectué en janvier 2021, nous connaissons l’impact de la pandémie sur la santé physique, la santé mentale, et la vie sociale des hommes vivant au Québec6. À Montréal, il est estimé qu’un homme sur cinq (21 %) serait en situation de détresse psychologique élevée et que 25 % des hommes sont en situation de détresse psychologique probable. Ce pourcentage grimperait à 39 % chez les hommes âgés de 25 et 34 ans. Ce sondage illustre également des inégalités importantes, notamment que les hommes plus jeunes, moins scolarisés, célibataires, issus de la diversité sexuelle et anglophone sont plus nombreux à présenter des signes de détresse psychologique.

Quant à la consultation des ressources dans la dernière année, le taux de consultation d’un intervenant psychosocial reste faible malgré l’augmentation du nombre d’hommes en détresse. Seulement 19 % de ceux en situation de détresse élevée auraient consulté, c’est-à-dire seulement 3 à 4 hommes sur 206.

De toute évidence, ce n’est pas parce que les hommes ont moins de besoins en santé mentale qu’ils demandent moins d’aide psychosociale. La sous-consultation des ressources psychosociales chez les hommes inclus dans ce sondage s’explique en partie au fait que plusieurs services ont été interrompus pendant la pandémie, mais cette tendance existe depuis bien avant la pandémie7. Il faut donc continuer à nommer les nombreux obstacles qui nuisent au bien-être et à la demande d’aide chez les hommes, y compris la stigmatisation de la santé mentale, et plusieurs comportements prescrits par une masculinité « traditionnelle ».

 

Quoi retenir ?

Depuis ce webinaire, plusieurs événements sont venus souligner l’importance de la santé mentale, et plus particulièrement celle des hommes. Bien sûr, la pandémie est un des événements ayant fait éclater le discours sur la santé mentale, mais nous pouvons également penser aux olympiens qui se sont désisté des jeux de Tokyo en raison de santé mentale, à Carey Price et Jonathan Drouin, deux joueurs des Canadiens de Montréal ayant pris du recul du sport pour se consacrer à leur santé mentale, ou aux récents fléaux de violence conjugale et féminicides qui illustrent bien la culture de violence dans laquelle nous vivons tous.

Pour en savoir plus sur l’impact de la socialisation liée au genre sur la santé mentale des hommes, nous vous invitons à visionner ou revisionner notre webinaire « La santé mentale des hommes : si différente de celle des femmes ? ». Vous pourrez également entendre les suggestions de nos experts pour promouvoir la santé mentale chez les hommes, que ceci vous concerne de près ou de loin, dans votre sphère professionnelle ou intime.

 

Pour accéder à des ressources communautaires en santé et bien-être des hommes sur l’ile de Montréal : http://www.rohim.net/doc/Fiche1_Ressources_v1_rev.pdf


1 Plank, L., & Cardinal-Corriveau, S. (2021). Pour l’amour des hommes : Dialogue pour une masculinité positive. Québec Amérique. (s. d.).

2 Chatmon, B. N. (2020). Males and Mental Health Stigma. American Journal of Men’s Health, 14(4), 1557988320949322. https://doi.org/10.1177/1557988320949322 

3 American Psychological Association, Boys and Men Guidelines Group. (2018). APA guidelines for psychological practice with boys and men. http://www.apa.org/about/policy/psychological-practice-boys-men-guidelines.pdf. 

4 Conséquences des stéréotypes sur le développement. (2021). Gouvernement du Québec. https://www.quebec.ca/famille-et-soutien-aux-personnes/enfance/developpement-des-enfants/consequences-stereotypes-developpement#c60817

5 Preventing suicide in men. (2020). Centre for suicide prevention. https://www.suicideinfo.ca/resource/men-and-suicide/?utm_source=buddyup.ca#risk 

6 Lancement des résultats du sondage sur la santé et le bien-être des hommes montréalais. (2021). Santé Montréal. https://santemontreal.qc.ca/professionnels/actualites/nouvelle/lancement-des-resultats-du-sondage-sur-la-sante-et-le-bien-etre-des-hommes-montrealais/

Statistiques de santé et de bien être selon le sexe — Tout le Québec. (2018). Ministère de la Santé et des Services sociaux. https://www.msss.gouv.qc.ca/professionnels/statistiques-donnees-sante-bien-etre/statistiques-de-sante-et-de-bien-etre-selon-le-sexe-volet-national/consultation-d-un-specialiste-en-sante-mentale/ 

 

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