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Lois, santé mentale et nouveaux arrivants

Par Marie-Claire Rufagari, membre du Comité interculturel de l’ASCM-Montréal et psychologue, Table de concertation des organismes de Montréal au service des réfugiés

Équilibre en tête. Vol. 13 no 3.

Si on voulait caractériser en peu de mots les multiples défis auxquels font face les nouveaux arrivants, ces mots seraient : reconstruction de repères. Les repères sont indispensables pour comprendre le nouveau contexte, interagir avec les autres, rétablir une certaine continuité. À défaut de repères, l’isolement des premiers jours devient une prison où les murs de l’incompréhension vont en s’épaississant, annulant toute tentative de redémarrer et bloquant le potentiel constructeur.

Cette situation, difficile pour tous les nouveaux arrivants, l’est particulièrement pour les réfugiés dont le statut n’est pas encore régularisé lors de leur entrée au Canada. En effet, avant la régularisation, les nouveaux arrivants vivent non seulement une période d’insécurité et d’angoisse qui peut durer des mois, mais ils sont également dans un contexte d’exclusion qui les prive de toute possibilité de trouver de nouveaux repères, parce que déclarés inadmissibles aux services de soutien à l’accueil et à l’établissement financés par le gouvernement du Québec. Cette période précédant la régulation du statut des nouveaux arrivants est une période à très haut risque pour leur santé mentale qui peut affecter à long terme leur capacité d’adaptation et d’intégration personnelle et familiale à la société.

La politique canadienne quant à la réunification familiale (conjoint-e et enfants), est une autre source de tensions dévastatrices pour la santé mentale des nouveaux arrivants. Les familles peuvent demeurer séparées pendant plusieurs années, à cause d’exigences du gouvernement canadien souvent impossibles à satisfaire compte tenu des coûts et de la situation dans le pays d’origine. Aux états dépressifs liés à la séparation comme telle s’ajoute l’angoisse de ne jamais retrouver ceux que l’on a été contraint de laisser en arrière, dans des conditions de sécurité et des conditions économiques souvent très précaires.

Au-delà des changements de politiques nécessaires, mais qui peuvent être fort longs à venir, les intervenants en santé mentale peuvent jouer un rôle crucial auprès des nouveaux arrivants. Ils peuvent contribuer à prévenir les impacts sévères des différents aspects des lois canadiennes et québécoises sur leur santé mentale en acceptant de les accueillir quel que soit leur statut, en s’ouvrant aux difficultés particulières que génère le contexte législatif dans lequel ils se trouvent, en étant attentifs à leur histoire personnelle, chaque fois unique, aux ressources internes et moyens personnels, tout aussi uniques dans chaque cas, qui leur permettront de reconstruire leurs repères, de redonner sens à leur vie et de puiser les énergies pour la rebâtir. C’est par une telle ouverture créatrice que pourront être contrecarrés, tout au moins en bonne partie, les effets négatifs à court, moyen et long terme des lois canadiennes et québécoises sur la santé mentale de nos compatriotes de demain.

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